L’allocution fut brève, mais l’information qui en découle, lourde de sens. Le 17 mars dernier, lors du festival SXSW à Austin, Mark Zuckerberg a annoncé que les NFTs devraient arriver dans les prochains mois sur Instagram. Dans un premier temps, les utilisateurs et les marques auront la possibilité de lier leurs comptes avec leurs propres NFTs, puis dans un second temps d’en créer directement depuis le réseau social. Fin janvier, c’est un autre réseau qui a posé une première pierre à l’édifice de sa stratégie NFT, Twitter. La plateforme propose une solution afin d’associer une image, éditée sous la forme de jeton non-fongible, à votre photo de profil.
Que ces deux mastodontes du social media s’intéressent aux NFTs n’est pas vraiment une surprise en soi, il est fort probable que d’ici quelques mois d’autres réseaux leur emboîtent sérieusement le pas. Ce qui est plus surprenant, c’est la manière de communiquer sur ces nouveautés. À les écouter, intégrer à sa stratégie de marque des NFTs semblerait être aussi simple que de créer un profil Instagram ou que de cliquer sur un bouton « changer de photo de profil ». Or, le sujet est bien plus complexe et demande une véritable vision stratégique et des compétences techniques.
Aujourd’hui, de nombreuses marques ont compris l’intérêt d’intégrer des NFTs à leur stratégie marketing. Dans un premier article, nous avions d’ailleurs passé en revue les nombreuses opportunités qu’offrent les NFTs, s’ils sont bien utilisés. Comprendre est une chose, une première étape, se lancer concrètement dans le grand bain en est un autre.
L’opportunisme, le meilleur ennemi de votre stratégie NFT
Le monde des NFTs présente de nombreuses similitudes avec la bulle Internet des années 90 et du début des années 2000. Nous sommes actuellement dans une période d’euphorie avec un marché qui connaît une croissance exponentielle. Cependant, répétons-le, le NFT n’est pas une simple tendance, il préfigure la future vague du Web3 qui se profile, notamment à travers les métavers. Une bulle risque d’éclater, mais elle ne fera pas totalement pshiiit ! En effet, il faut bien garder à l’esprit que lorsque la bulle Internet a explosé au début du siècle, ce ne fut pas pour autant la mise en bière totale du Web. Cela a plutôt permis, en quelque sorte, de faire le ménage entre l’opportunisme et le pragmatisme. Autrement dit, entre les entreprises qui se sont lancées précipitamment à la recherche de l’Eldorado, et celles qui ont pris le temps de bien préparer leur voyage.
Aujourd’hui, une entreprise ne peut et ne doit pas se lancer dans les NFTs juste par effet de mode ou en étant appâtée par un simple gain financier. Pour réussir à convaincre votre audience, il faut penser le NFT comme une nouvelle expérience de votre marque. Il faut réussir à transposer de la manière la plus fidèle vos valeurs, votre univers, votre ton of voice, votre identité visuelle et graphique… Autrement dit, toutes les composantes de votre branding. Le NFT n’est pas une fin en soi, c’est une technologie qui permet de créer de nouvelles solutions marketing. Même si évidemment en matière de NFT, nous pensons que « 100% des gagnants auront tenté leur chance », une entreprise ne doit surtout pas laisser l’opportunisme guider ses décisions. Prenons l’exemple du récent flop d'Ubisoft en la matière.
En décembre 2021, l’éditeur français inaugurait en grande pompe Quartz, une plateforme permettant d’acheter des NFTs utilisables dans sa licence phare, le jeu « Tom Clancy’s Ghost Recon Breakpoint ». Les joueurs peuvent alors acquérir des pantalons, des casques ou des fusils numérotés sous forme de jetons non-fongibles. Hormis l’aspect esthétique, ces NFTs ne proposent rien de nouveau en termes d’expérience de jeu, d’autant qu’acheter des skins est déjà une pratique courante dans le gaming.
Première erreur d’Ubisoft, ne pas avoir pensé le NFT comme une proposition de valeur utilitaire pour les joueurs. Seconde erreur, ne pas avoir écouté sa communauté. Bien que les NFTs prennent aujourd’hui des formes multiples dans les jeux-vidéo, une partie du monde du gaming (joueurs, développeurs, éditeurs) est quelque peu frileuse vis-à-vis d’une stratégie NFT purement cosmétique. Proposer (trop vite ?) une offre mal calibrée à une audience réticente, ou pas encore prête, est le meilleur moyen de se prendre une volée de bois vert numérique.
Une audience NFT à choisir en fonction de vos objectifs business
Pour une marque, le succès d’une stratégie NFT dépend en grande partie de l’engagement actif de ses membres. Or, comme nous venons de le voir, il faut absolument être à l’écoute et bien se renseigner en amont sur le marché afin d’actionner les bons leviers de création. En fonction de vos objectifs business, il sera alors possible de définir votre périmètre d’action. Premier cas de figure, vous souhaitez accroître votre notoriété et donner une image moderne de votre marque. Dans ce cas, votre cible pourra être dans un premier temps la communauté des cryptomonnaies. Pour toucher efficacement cette nébuleuse naissante, restreinte et plutôt axée sur l’aspect spéculatif, il faut être actif sur certains canaux spécifiques. Par exemple sur Twitter, haut lieu d’information pour cette population, mais également sur Discord ou Telegram, des espaces d’échanges privilégiés qui vous permettront de les agréger en les informant de vos actualités et en les mettant sur des listes de pré-ventes à chaque mise en ligne de vos nouveaux NFTs.
Deuxième cas de figure, votre objectif est de créer une nouvelle forme d’interaction avec votre base de client historique soit pour les fidéliser, soit pour susciter leurs intérêts autour d’un nouveau produit ou d'un service. Il faudra dès lors faire preuve de patience, de pédagogie et d’une approche plus subtile. Pas forcément encore rompue à l’usage des cryptomonnaies, cette population a besoin d’un pied à l’étrier pour entrer dans l’univers NFT. Il faudra par exemple soit organiser des jeux concours pour faire gagner des NFTs spécifiques lors d’une campagne, soit organiser une vente aux enchères plus classique.
L’acquisition d’un NFT étant grisante, cela leur donnera alors certainement envie de partager l’objet avec leurs amis sur les réseaux sociaux. La porte d’entrée pour toucher cette population doit être divertissante et doit donner accès à des événements privilégiés. En août 2021 pour célébrer le 200e anniversaire de la naissance du fondateur de la marque, Louis Vuitton a lancé un jeu mobile (iOS et Android) baptisé « Louis : The Game ». Dans cette chasse aux trésors ludique, les joueurs pouvaient gagner jusqu’à 30 NFTs de la marque de luxe.
Dernier cas de figure, il est possible de créer des partenariats avec des métavers existants. En venant s’adosser à ces plateformes, une marque confère à son activité une dimension événementielle à travers ces nouvelles réalités virtuelles. À terme, l’audience d’une marque pourra grâce à l’acquisition de NFTs venir assister à des événements uniques, découvrir des produits ou encore participer à des animations en ligne. En ce début d’année, des grands groupes comme Carrefour ou Axa ont acheté des parcelles de terrain sur The Sandbox, le métavers le plus abouti actuellement.
La conception technique du NFT, un nouvel espéranto
Comme pour toute activation marketing ou social media, nous venons de voir que la création d’un NFT nécessite dans un premier temps de mettre en œuvre en amont une véritable stratégie digitale. Conception graphique et artistique, branding, choix des cibles en fonction de vos objectifs business, roadmap d’animation des contenus… Dans un second temps, il va falloir s’attaquer à une autre paire de manches : la brique technique. La création et le déploiement du Smart Contract, l’intégration dans la blockchain ou encore toute la phase de minage du NFT. Primordiales, ces étapes soulèvent de nombreuses interrogations et font pénétrer une marque dans un jargon technologique bien spécifique.
Quels langages de programmation choisir Solidity ou Vyper ? Sur quelle cryptomonnaie m’adosser ? Sur Ethereum pour plus de simplicité ou sur des monnaies virtuelles plus axées pour une future utilisation dans des métavers comme MANA ou SAND ? Une fois vos NFTs créés, il faut réfléchir à la façon de les mettre en vente. Est-ce sur un site spécifique à votre projet qui supporte l’ensemble du processus d’achat ? Dans ce cas, il faut veiller à concevoir un parcours utilisateur intuitif et à intégrer des bonnes pratiques de e-commerce. Préférez-vous plutôt n’avoir qu’un site vitrine qui redirige ensuite vers une marketplace de NFTs ? Du coup, laquelle choisir : OpenSea, Mintable, Rarible ?
Bien évidemment, il n’existe pas de réponses toutes faites pour ce type de questionnements, ce sont des choix à effectuer au cas par cas en fonction de la vision de votre projet, de vos objectifs et de votre budget. De prime abord, ce charabia technique peut faire peur. C’est tout à fait compréhensible. Pour autant, toutes les marques qui se sont lancées pour le moment avec succès dans les NFTs se sont fait accompagner tout au long de ces étapes par des experts. D’où l’importance de bien choisir ses partenaires, pour ainsi ménager sa monture, et atteindre ce fameux Eldorado.